mardi 15 juillet 2014

Hammamia, here I go again !





Hammam( n.m sauf Hammam mixte ), se dit de ce lieu de suffocation volontaire où le décharnement des uns sera l’objet de l’acharnement des autres.

Un genre de relique d’un esclavagisme moderne et volontaire où tout semble avoir été minutieusement fait pour que vous restiez persuadés que ces personnes qui s’acharnent à décharner votre peau sont les vestiges des derniers suppliciés d’un genre de mythologie greco-hammam.

C’est à croire que le directeur artistique de cette super-production Sabounebeldyenne s’est astreint à donner à ce lieu des airs d’authentiques thermes romains et l’efficacité de ces allers-retours sur l’autoroute de votre corps à coup de ( tararararara ) KISS se chiffrera à la sueur de votre front...et à la longueur de ces spaghettis al dente dont le Kessel ne fera qu’une bouchée.

Vêtues de Marcels dont ils ne gardent de l’allure que le nom et de Cerdan, la vigueur qui fera serrer les vôtres, ces hommes et femmes dévoués à cette mono-activité de décapage pratiqueront sur vous le massage façon déboîtement de l’épaule à mort-veille.

De quoi vous inspirer un genre d’« Indignez-vous» version Stéphane Kessel...

Et parce que ce nom générique se conjugue également au féminin, vous aurez pour vous servir, Mesdames, deux principaux types de Kessalates.

D’un côté, ces genre de catcheuses qui n’évoluent qu’en milieu aride, les stars du Ring, celles au physique mêlant des allures de Rambo et d’Hagrid, et de l’autre celles restant aux vestiaires sur les bancs de touche, reprenant leur souffle après avoir aspiré le vôtre, bouteille d’eau fraîche à la main et serviette de Mohammed-Ali au cou, surveillant celles qui voudraient prendre leurs jambes au leur.

Durant cet instant plus de crasse que de grâce, je ne dois la mienne qu’aux mouvements artistico-contempourri que mon bourreau m’oblige à exécuter, et c’est ainsi que vous vous découvrirez des talents cachés de contorsionnistes et autres talons d’arthrose et d’un Achille fantaisiste.

Et vous vous convaincrez que l’on pourrait  tout à fait avoir le haut du corps étendu sur le ventre, les jambes allongées sur le côté tout en conservant le coude de son bras droit tourné vers le haut, et les pieds sur Terre.

Elle ont du pain sur la planche, et vous aurez l’impression d’être celui à pétrir...

Jouissant ainsi du syndrome de Stockholm le plus caniculaire jamais entendu, vous vous délecterez donc étrangement de ces phrases classées Reines du temple de la familiarité-promiscuité telles que « Ah, ah, ah, ch7al kenti mousskha a khti» ou encore « Ou tgoul wash bgha y khrouj lik loussekh».

Et c’est au compte-goutte que les secondes de la peine à laquelle je goutte s’égouttent, animant ainsi le cycle infernal d’une sueur qui se confond à la condensation, des vapeurs des corps aux plafonds, puis à nouveau de leurs hauteurs aux bas fonds.

Vous y découvrirez aussi, un capitalisme réinventé ou la propreté a donné lieu à une forme entièrement nouvelle de propriété : celle du sceau dans lequel vous ferez couler cette eau, qui en cas de conflit d’appartenance prendra bien quelques heures à passer sous les ponts.


Et c’est un sursaut d’effroi que causera le sceau de la moindre main étrangère posée sur votre seau, le Saint Staal, créateur de conflits depuis 1876 et qui risquera de vous coûter quelques mèches.

Et bien qu’on ne puisse pas réellement évoquer un quelconque sens de la pudeur dans ces lieux seins, son peuplement aspire cependant après rinçage à être le digne héritier d’un genre de néo-race aryenne version 3aryenne.

Et certes minimalistes, les codes dé-vestimentaires restent tout de même stricts. Car ici dans cette contrefaçon d’une plage de Copacabana version Copasandala, seules autorisées les charenthèses-ventouses Del mika, celles qui couplées à quelques gouttes d’eau vous joueront les plus beaux airs de Beethoven ou de Daoudia.

La complicité prendra ainsi la forme du compagnon qui vous frottera le dos avec la plus grande sincérité.

Que dire enfin, de l’indice de base de classement des Hammams, peut être l’une des dernières perles de l’absurdité : le manque plus ou moins drastique en oxygène.

Comme cette pièce, l’ennemi juré de toute chambre froide, celle constituant le dernier degré de raréfaction d’air niveau Kilimandjaro, dédiée aux as et des as qui s’y enfer-ment et apparemment aussi aux  poissons à branchies.

Et si l’oxygène ne circule plus, les ragôts se feront, eux, un plaisir de vous faire le tour du propriétaire...et des locataires du quartier et les cheveux continueront de danser parterre, portés par courants d’eau et courant d’air, du nature, au henné en passant par le néo-méché.

Vous les croiserez à tous les coins de rue, ces adeptes du Hammam, seuls et uniques citoyens à avoir la légitimité absolue de sortir avec le kit peignoir sur les épaules, serviette sur la tête et seau à la main. Ils ne sont qu'une centaine dans tout le Maroc à jouir de la patente officielle.


Et si ces airs de lavoirs d’antan vous chatouillent l’esprit, sachez que les risques de Zona dans ces eaux-là éclipseront très vite ces esquisses de descriptions aux allures de Zola...au Bonheur de ( ces ) Dames.

Asmaa El Arabi 

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